J’en
suis tout bouleversé, tout tourneboulé et tout chamboulé. Permettez-moi cette
redondance un peu désuète mais c’est pour dire que le sentiment dure. En effet,
j’ai reçu par wouawouadoux un mot de mes plus fidèles lecteurs, je veux bien
entendu par cette périphrase flatteuse désigner mes cousins ultrasonistes. Un mot, que dis-je ! cents mots, mille
mots ( car je compte les sous-entendus que le cœur garde en réserve de peur
d’éclater ), plein de gentillesses. Mais jugez par vous-même :
A l'instar de JK Rowling, vous décidez - nous lisons entre les
lignes ou notre angoisse mal négociée nous trompe - de vous taire. Haro sur cette décision unilatérale et
cruelle ; nous défendrons bec et ongles notre Tempotter... Avec lui, nous
perdrions un témoin ajaccien de choix, tantôt poète, tantôt philosophe qui nous
renseigne tant sur la macro que sur la micro-histoire de l'ile de beauté.
Fini, les lectures tempociennes, un peu tempo tard parfois, assis
tous les trois sur le canapé de la villa Curial, ou nous nous employions à nous
dissimuler mutuellement nos larmes.
Un héros est propriété de ses lecteurs ; le romancier se contente
de le suggérer. Non, non, et re-non !!! Nous ne voyons, quant à nous, aucune
bienveillance à autoriser ce crime de lèse-majesté : "cesser de faire
parler de moi"...
Dans un sursaut, nous nous disons que peut-être n'est-ce là que
caprice de star, abandon de scène pour mieux mesurer l'attachement des siens ?
Une RRR (réponse rapide par retour) s'impose ! .
Vos bien dévoués lecteurs.
Comme il est touchant de voir à quel point son existence est le
précieux bien des siens ! Quoi de plus émouvant aussi d’imaginer ses
lecteurs dans ces conditions matérielles si royales : assis sur le canapé
de la villa Curial
… Oh comme l’évocation a de beaux atours ! Comme il est doux de songer que
les affres de la création s’achèvent là, dans le douillet de la plume, les
rondeurs d’un sofa. Et c’est justice car la souffrance que nous endurons, nous,
auteur, compositeur, facteur de mots, artisan de l’être, vaniteux d’entre les
vaniteux qui déjà préjuge à la qualité de son petit comité de lecture familial
même accueil mondial, oui ce don de la parole que nous portons tantôt comme une
déformation honteuse tantôt comme un mal sournois ne peut se supporter qu’à
condition de beauté et c’est là tout le bienfait d’être lu car la beauté est du
côté de celui qui lit, de celui qui donne aux mots malhabiles son oreille
absolu. Voyez comme c’est bien dit ( le lecteur peut relire ce passage pour en
saisir toute la profondeur ).
Encore merci mes chers petits musichiens qui me révèlent jour
après jour en quelle hauteur vous me portez !... - laquelle hauteur par un
effet paradoxal m’incline à l’humilité, c’est promis.
C’est donc humblement que je continuerai ce 20ème épisode, avec
pour seule ambition de vous distraire sans omettre de vous instruire car
l’observation de l’animal ne peut qu’éclairer vos petits esprits façonnés au
tour régulier de la musique sur le fonctionnement de l’humanité. Certes, ce
passage est bien dit mais fort de ma précédente résolution, je ne suggère en
aucune manière au lecteur de relire ce passage pour bien en saisir la
profondeur, le lecteur aura d’ailleurs compris car il est loin d’être bête,
celui-là.
Et c’est là le début du talent. Ne jamais sous-estimer son
lecteur. Or, cette loi souffre de nombreuses exceptions comme je vais vous le
démontrer.
1. Le mauvais écrivain est celui qui prend le lecteur pour un crétin : il dit tout et c’est affligeant. Ainsi :
« La cafetière en
verre pirex fumait sur la table en ébène de macassar, vernie en cabine. Les
bols étaient vides. Même le sucre, encore dans le sucrier, ne venait affaiblir
cette vacuité, chère aux moines chinois que l’on voit, silhouettes incertaines
dans les brumes d’altitude, peintes d‘un seul coup de pinceau inspiré sur les
rouleaux du 19ème dès lors on les déroule à la lumière. »
Petit commentaire de texte. La
cafetière en verre pirex fumait sur la table en ébène de macassar, vernie en
cabine. En quoi la cafetière fume-t-elle davantage quand elle est en
pirex ? Je l’ignore. La précision est donc superfétatoire. Coupez. En
quoi, la table en ébène de macassar,
n’en est-elle pas moins table ? d’autant que tout le monde connaissant
l’ébène l’imaginera noire cette fichue table ; or, l’ébène de macassar est
un joli bois ondé aux reflets cuivres. Et là le lecteur l’a dans l’os ! Cette
précision va donc à l’encontre même de l’évocation souhaitée. Coupez. Vernie en cabine : on connaît la
carrosserie vernie en cabine, mais
l’ébénisterie ? Rien n’est moins sûr. Là encore, cette
exactitude coûtera au lecteur moment de trouble qu’on pourrait lui épargner. Quant
au sucre, on ne voit aucun rapport avec les moines, mais alors là aucun.
Coupez.
Hélas, ils vont comme une
nuée de sauterelles chaque année à la même époque s’abattre sur le monde de
l’édition.
2. L’écrivain médiocre est celui qui prend le lecteur pour un
ignorant : il dit tout ce que tout le monde sait. Ainsi :
« La cafetière
fumait. Avant d’être dans le bol, le sucre était dans le sucrier. »
Petit commentaire de texte. Certes, il n’est pas inutile de
rappeler qu’une cafetière n’a d’intérêt que lorsque le café est prêt, donc
chaud, c’est la moindre des choses. De même, insister sur le fait que le sucre
se conserve mieux dans un sucrier qu’au congélateur ou fumé au bois de hêtre
évitera bien des déboires à un extra-terrestre venant d’emménager dans une
kitchenette dont la valeur locative déjà estimée à 500 euros, tarif parisien,
ne permet guère l’effort dispendieux du congélo. Mais la probabilité d’être lu
hors la planète étant somme toute assez faible, même tiré à des millions
d’exemplaires, mieux vaut à mon sens n’informer que du strict nécessaire,
considérant que la plupart des terriens ont résolu la question de la
conservation du sucre en se conformant aux us et coutumes locales ( le bête
sucrier ). Mais cet avis n’engage que moi. Pareille analyse de texte au bac
littéraire devra par conséquent être pondérée en citant la source : moi en
l’occurrence.
Hélas, ils vont comme un
raz de marée chaque année à la même époque inonder le monde de l’édition.
3. L’écrivain incompétent est celui qui prend le lecteur pour un
naïf : il dit tout ce qu’il ignore lui-même. Ainsi :
« La cafetière en verre pirex fumait sur la
table en ébène de macassar, vernie en cabine. Les bols étaient vides. Même le
sucre, encore dans le sucrier, ne venait affaiblir cette vacuité, chère aux
moines chinois que l’on voit, silhouettes incertaines dans les brumes d’altitude, peintes
d‘un seul coup de pinceau inspiré sur les rouleaux du 19ème dès lors
on les déroule à la lumière. »
Oui, c’est le même texte qu’en 1. Et alors ?
Mon commentaire. Etait-il certain que la cafetière soit bel et
bien de marque pirex ? L’a-t-on retournée pour y lire la marque ? Et
dans ce cas, que faire du café ? Se le renverser sur les genoux ? Le
jeter dans l’évier ? Et si c’était de l’arcopal, hein ? Par ailleurs,
a-t-on vérifié comme il se doit que l’ébéniste possède une cabine de
vernissage ? L’investissement est de taille, ( ça va chercher dans les
50 000 euros ce gadget-là ) l’a-t-il porté au tableau d’immobilisation
comptable ? Quelle marge bénéficiaire réalise-t-il ? Et ça sur le dos
du pékin ? Justement, à propos de Pékin, pourquoi restreindre au seul
périmètre de la Chine la probabilité d’apparition de silhouettes incertaines dans
les brumes d’altitude ? Rien n’est moins sûr, allez sur le plateau des
millevaches, et je vous fiche mon billet qu’entre le 15 novembre et le 15 mars,
toutes les silhouettes, toutes, absolument toutes, naviguent parmi les brumes,
alors, de qui se moque-t-on ? Je vous le demande : De qui se moque-t-on à la fin ?
Car, vous l’avez deviné le comble est évidemment atteint avec ces
silhouettes justement incertaines ! M’enfin,
si c’est incertain, pourquoi l’affirmer avec autant d’aplomb, au mode indicatif
de surcroît ???? Le lecteur, dans sa candeur, croit certain ce qu’on lui
dit ! Voudrait-on qu’il croit certain ce qui est incertain ? Comme on
le voit : on s’embrouille les pinceaux ( d’où je pense cette référence au
peintre ; enfin, je le subodore seulement, car encore une fois, le doute
plane à des altitudes que je n’atteins personnellement que rarement. )
Hélas, ils vont comme un
mal à l’issue incertaine, chaque année, à la même époque, mais là rien n’est moins sûr, troubler un peu
plus le monde ambigü de l’édition. Ambigû ou ambigü : J’hésite…Quelle
certitude obtenir ? auprès de qui ? et dans quels délais ?
4. L’écrivain compétent est celui qui traite le lecteur en bon
collaborateur : il dit peu, ( et c’est déjà une qualité ) comptant
beaucoup sur le travail de l’autre. Ainsi :
« La cafetière en
pirex sur la table en macassar, en cabine. Les bols étaient .... Même le sucre,
encore le sucrier. Ne venait affaiblir
cette vacuité, oh moines chinois, les
brumes d’altitude, d‘un seul coup de pinceau inspiré les rouleaux du 19ème
dès lors à la lumière. »
Mon commentaire : il serait vain de parvenir à déchiffrer ce
texte au saut du lit, du beurre dans les neurones comme dans les yeux.
Mon conseil : Deux litres de café devraient vous venir en
aide. Pirex ou pas pirex, moine ou pas moine, on s’en fout.
Hélas, ils vont comme
chaque, à la même, troubler le monde.
5. Enfin. L’écrivain de talent est celui qui se tait sur de tels
détails insipides car l’important n’est pas là. L’important est :
« La cafetière en verre pirex fumait
sur la table en ébène de macassar, vernie en cabine. Les bols étaient vides.
Même le sucre, encore dans le sucrier, ne venait affaiblir cette vacuité, chère
aux moines chinois que l’on voit, silhouettes
incertaines dans les brumes d’altitude, peinte d‘un seul coup de pinceau
inspiré sur les rouleaux du 19ème dès lors on les déroule à la
lumière. La cafetière de Pap’hum fumait. L’hiver venait et les brumes
de novembre descendaient du Vizzavona à la mer. Tempo était venu
poser sa patte sur la cuisse de son maître. Le soleil parut. Une bien belle
journée s’annonce, aurait dit Mam’hum, et tout le monde aurait acquiescé à tant
de bonheur à vivre en 24 heures. »
Mon commentaire : cafetière, d’où hiver, d’où brume, d’où le
réconfort de l’animal, d’où l’embellie, d’où Mam’hum. C’est pas compliqué.
Hélas, ils vont vainement
chaque année à la même époque tenter le coup dans le monde de l’édition. Mais
non.
6.
Enfin. L’écrivain de génie est celui qui dit la vérité, juste la vérité. Ainsi :
« Avec Tempo, nous
perdrions un témoin ajaccien de choix, tantôt poète, tantôt philosophe qui nous
renseigne tant sur la macro que sur la micro-histoire de l'ile de beauté. »
Mon commentaire : continuez, continuez…
Heureusement,
il vient comme un maître stimuler ma belle imagination.
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