La langue qui nous habite...

La langue qui nous habite...
La langue qui nous habite...calligraphie encres de chine et gouache de Odile Pierron

lundi 24 décembre 2012

Atelier spécial "fin du monde" 21 décembre 2012

Exercice 1 : Vous disposez d'un don de voyance. Vous êtes invité à l’Élysée pour apporter au Président de la République votre vision sur le devenir de l'humanité :
« Monsieur le Président, je vois, je vois un carton d'invitation avec le planning suivant inscrit dessus :
- 6 heures 30 : Réveil du dernier jour annoncé par les radios
-7 heures : PETIT DEJEUNER
-8 heures : Pluie de météorites
-9 heures : destruction par une boule de feu du village de Bugarach
-10 heures : Premiers tsunamis
-11 heures : Arrivée des premiers extraterrestres
-11 heures 30 : Flashmob avec les extraterrestres sur le mode de Gangnam Style
-12 heures – 14 heures : PAUSE DEJEUNER – PIZZA
-14 heures 15 : Discours du Pape
-15 heures : Révélation des « humains élus »
-16 heures : Premières exécutions de terriens
-17 heures : Pluies acides
-18 heures : Réchauffement climatique subit
-19 heures – 21 heures : BARBECUE GEANT
-22 heures : Débarquement de milliers de vaisseaux extraterrestres
-23 heures 30 : CLOTURE DES FESTIVITES
FIN DU MONDE

Exercice 2 : Le Président vous demande d'établir une liste des actions les plus urgentes pour enterrer la civilisation dans la dignité, sauvegarder le patrimoine naturel et culturel dans une éventuelle transmission à des populations extraterrestres :
-Enterrer sous le plateau d'Albion, les œuvres des musées du Louvre et d'Orsay
-Émettre sur les ondes des messages de bienvenue aux extraterrestres
-Jour chômé le 21.12.2012 pour tous les employés
-Affichage dans les mairies du planning évoqué dans l'invitation « visualisée » par le médium
Eventuellement entrainement au Flashmob

Exercice 3 : Suite à vos révélations vous encourez les foudres de la population désorientée. Vous sortez de l’Élysée et vous vous rendez compte qu'un véhicule vous suit... racontez la suite :
« Sorti de l’Élysée par une porte dérobée, et descendant la rue du Faubourg Saint-Honoré, je prends conscience qu'un énorme 4X4 noir aux vitres fumées me suit lentement. En jetant un coup d’œil discret, j’aperçois la plaque d'immatriculation étrange « BEN XVI ».
J'accélère le pas et tourne dans la première rue à ma gauche. Je commence à courir. Deux hommes descendent du véhicule et se précipitent derrière moi. Forcément, ils me rattrapent. La voiture nous rejoint et je me retrouve poussé sans ménagement à l'arrière, la tête enfilée dans un sac de toile. Je n'ai même pas pu me débattre. Au bout de quelques minutes, le véhicule descend dans un parking souterrain. Je le reconnais au crissement des pneus. On me fait descendre et après quelques pas maladroits, je me retrouve dans un ascenseur. On m'introduit ensuite dans une pièce dont le sol est couvert de tapis. On m'enlève enfin le sac et je découvre devant moi un homme vêtu d'une soutane rouge, le nonce apostolique... »
Juan Carlos

lundi 10 décembre 2012

Atelier d'écriture du 7 décembre 2012

L'écriture m'a attrapé un jour avec une plume que je trempais dans un encrier coincé au bord de la table. A force de recopier des lignes et des lignes de a, b, et de c, ma main avait fini pas s'habituer à imiter des arabesques et leur donnait enfin un sens. La mémoire aidant, telle lettre devait être suivie par telle autres, puis par celle-là. le tout, ainsi accroché, devenait un mot. Celui-ci, une fois dit à voix basse, venait illustrer l'objet imaginé. Puis, quelques mois plus tard, directement, la forme irrégulière d'un mot écrit maladroitement entre deux lignes sur la feuille, prenait dans mon esprit la forme de l'objet. Enfin. Quelques mois plus tard encore, les premières phrases pourtant simples sont venus déclencher un sourire de satisfaction.
Joan Carlos


J'aimais écrire. Il y avait dans le geste du tracé une volupté qui allait au-delà de l'effort engagé pour atteindre la beauté. Et qui disait beauté disait régularité, continuité des ligatures et filiation spontanée entre les signes du début, frappés de ce fait pas la maladresse et les signes de la fin, frappés eux de fatigue. Ecueils qu'il fallait donc surmonter, langue tirée entre les dents, mûe par l'envie de plaire à ma maîtresse et l'orgueil aussi de réussir là où mes camarades échouaient par grossièreté. Car pour écrire, il fallait du raffinement et surtout avoir le pressentiment de l'art, lieu sacré de création, territoire des dieux. Or, mes camarades, sans doute par pragmatisme ne voyaient des lettres que leur utilité, leur aspect pratique en somme où faire une ligne de a, b, c, etc. ne pouvait se justifier que par l'usage dont elles tireraient bientôt profit, raisonnement finaliste de bon sens certes, mais sans égard pour la gratuité du geste. Moi, je me moquais éperdument du résultat ou du moins il n'était qu'une projection, alors que mon plaisir n'aurait souffert d'aucun ajournement. Tracer était un délice en soi, tremper la plume dans l'encrier de porcelaine blanche, célébration et appliquer le buvard rose proprement, profonde satisfaction, de celles que l'on éprouve lorsque le monde nous apparaît dans son ordre foncier, sa légitimité plénière. J'aimais écrire. Elève appliquée, mon travail soigné était récompensé par le sourire radieux de la maîtresse qui, telle une icône à mes yeux, était objet de vénération : elle savait lire, écrire et comble de liberté, elle portait un rouge à lèvres intense donnant à ses sourires encourageants un éclat supplémentaire. Depuis, j'affectionne les rouges à lèvres puissants.
Odile


 L'histoire commence quelque part au milieu des années 90 entre les murs d'un internat. l'un des gamins les plus turbulents décréta qu'il n'était pas acceptable que les énénements se déroulant entre ces murs tombent dans l'oubli. Il fut donc décidé que les moments les plus remarquables seraient consignés dans un cahier. Il serait tenu et gardé par un seul et unique rédacteur : moi... Pourquoi moi ? Pour tout le monde, ma nomination était une évidence. Elle l'était peut-être aussi pour moi. Arriva le jour où, les examens passés et l'été arrivant, la petite troupe fut disloquée par la force des choses, obligée à laisser la place au millésime suivant. L'envie d'écrire s'endormit quelque peu, victime d'une forme d'hibernation. Se nourrissant de folie, de désir et de fêtes, elle dut laisser la place au sérieux et à la rigueur d'une carrière à construire. Puis, un jour, une rencontre. La rencontre. Comme on n'en fait peut-être jamais dans une vie. Alors, quand on la fait une fois... une tornade, un tsunami, l'impression d'être pris dans une vague qui vous secoue, qui parvient presque à vous démembrer. Un ouragan émotionnel aussi bref que violent. Qui crée un trop-plein de sentiments dont il faut se libérer car on craint qu'il ne vous fasse imploser. De ce chaos, revient l'envie, disparaît aussi une sorte de pudeur, l'envie de ne plus se cacher, l'envie d'écrire.
François



La maîtresse versait une poudre bleu ciel dans une bouteille en verre, elle remplissait la bouteille d'eau et cela donnait une encre bleu profond qu'elle versait dans nos encriers en porcelaine blanche. Nous trempions nos plumes dans les encriers et nous nous appliquions à l'écriture. Nous écrivions de longues lignes de lettres. La première lettre que j'ai écrite était un N, la seconde un I, avec cela, je pouvais écrire NINI, petite fille rousse qui illustrait un livre d'école qui nous enseignait au b-a-ba de la lecture. Je trouvais Nini très jolie, pour ne pas dire que j'en étais amoureux. Nini m'a accompagné toute cette année scolaire du CP. A cette époque, il y avait le système des bons points, au bout de dix bons points, on avait droit à une image alors je m'appliquais.
Maurice


Que je me souvienne de ces premiers rendez-vous avec l'écriture est un exercice assez périlleux car les années ont passé. mais il reste ce fil qui me relie à mes tendres années?. C'est surtout l'année du cours préparatoire qui me reste en mémoire et l'institutrice qui était face à moi. Madame Coucou, c'était son nom, a su me donner envie d'avoir envie d'écrire. D'abord avec la craie blanche qu'elle faisait courir sur le tableau noir qui prenait toute la longueur du mur car il était de trois panneaux. Les traits, les arrondis, les accents, les cédilles étaient des petites pièces que je voulais à tout prix retenir sur mon cahier. A cette époque, le stylo-plume était notre compagnon. Je me souviens des taches malencontreusement déposées entre le petit encrier et la feuille blanche que j'épongeais souvent avec le buvard. Tenir la plume était une souffrance, une torture quand il fallait recopier ce que nous lisions sur le tableau. Au fur et à mesure que le temps passait, la maladresse et le mal laissèrent la place au plaisir. Les lettres commençaient à se dessiner sous mes yeux et je maîtrisais de plus en plus. J'en oubliais les crampes aux doigts les premières semaines. Après l'école, dans ma chambre, je revenais sur mon cahier pour réécrire les mêmes lettres en essayant de m'appliquer pour montrer mes progrès à mes parents. Je passais du temps car ce n'était pas si facile à 5 ans de tenir et de faire courir la plume. Elle bavait et salissait ce qui avait sur moi un effet bizarre. Je me levais et je laissais en plan ma feuille posée, abandonnée pendant un long moment avant de revenir avec la volonté de réussir à dessiner de jolies formes droites et arrondies sur le cahier de Madame Coucou.
Pascal



C'était laborieux, malgré toute ma volonté et ma motivation. j'étais une élève trantôt distraite, tantôt revêche, solitaire, étourdie. L'alphabet d'abord. Toutes ces lettres à retenir, dans l'ordre, avec plein de formes différentes. Puis les syllabes, puis les associations qui formaient des mots, puis le calvaire de l'orthographe, de la grammaire française dont la complexité n'a pas à ma connaissance d'équivalent sur terre. Ecrire ... Quelles souffrance ! Tout était parti de ma fascination pour ces formes étranges et esthétiques qui s'étalaient sur d'innombrables pages qui composaient les innombrables livres des étagères des maisons qui  m'ont vu grandir. Pas de télé à la maison. Pas de frère. Pas de soeur. Juste des livres et un grand jardin . La seule issue possible à cet ennui grandissant était l'apprentissage de l'écriture et de la lecture, de façon à pouvoir enfin recréer moi-même des variantes imaginaires de mes histoires favorites, Baba Yaga et les détectives. En classe, je reproduisais comme je pouvais, impatiente, colérique, ces formes bizarres qui me donneraient un jour accès à ce monde fabuleux du livre. Cet espoir me consolait temporairement des remarques forcément imméritées de la maîtresse , écrites sur le bulletin scolaire dans la rubrique "Ecriture" : Travail peu soigné, peut mieux faire mais ne s'en donne pas les moyens, élève brouillon... Quelle déception mais quel espoir !
Claire

mardi 4 décembre 2012

L'expression de la semaine : "Une nuit blanche"

Cette expression qui date du XVIIIème siècle signifie une nuit sans sommeil.
Le plus vieux document qui reprend cette expression est une lettre, datant du 30 octobre 1771, de la marquise du Deffand, Marie de Vichy-Chamrond, destinée à Horace Walpole, homme politique et écrivain anglais. La marquise y a écrit : « Vous saurez que j'ai passé une nuit blanche, mais si blanche, que depuis deux heures après minuit que je me suis couchée, jusqu'à trois heures après-midi que je vous écris, je n'ai pas exactement fermé la paupière; c'est la plus forte insomnie que j'ai jamais eue ».
La première signification de cette expression est un parallèle entre nuit blanche et nuit noire. Une nuit noire est une nuit où l’on dort d’un sommeil bien mérité et donc tout logiquement sans lumière allumée. Alors que lorsque l’on ne trouve pas le sommeil, la lumière nous accompagne pour rester éveiller. Une nuit blanche est donc un parallèle avec la couleur de la lumière.
Cette expression a une deuxième signification. Elle prend racine dans une coutume ancestrale de chevalier. La nuit, précédant leur consécration en tant que chevalier, les hommes se devaient de la passer éveillés vêtu d’une tenue entièrement blanche. Si cette signification s’avère correcte, il est surprenant de ne pas la trouver dans des écrits plus anciens.
Une autre signification de cette expression peut être proposée. A l’époque du règne d’Elisabeth, au XVIIème, la ville de Saint-Pétersbourg, en Russie, était fréquentée par de nombreux français principalement lors de la période estivale. Dans ce pays, en été, les nuits ne sont pas vraiment noires car le soleil ne se couche jamais. De plus, au cours de ces années, la vie nocturne au cœur de la ville battait son plein. Les participants aux fêtes passaient donc des nuits doublement blanches de par l’absence de sommeil et par la luminosité de la nuit. Il est tout à fait possible qu’un terme russe signifiant nuits blanches en français ait été ramené et diffusé en France par les touristes-fêtard.

lundi 26 novembre 2012

L'expression de la semaine : "Trouver chaussure à son pied"

Cette expression datant du XVIIème siècle signifie trouver ce dont on a besoin. Si l’on parle d’une personne, cela signifie que l’on a rencontré la personne qui nous convient.
A ses débuts, l’expression signifiait " trouver quelqu’un qui résiste " et l’image utilisée était celle d’un pied chaussé appuyant contre le sien.
Vous remarquerez que cette expression ne peut être utilisée qu’au  singulier, « trouver chaussures adaptées à ses pieds » ne peut pas être employé.
Cette expression est basée sur quelque chose de simple : si vous êtes chaussés avec une chaussure de trop grande ou de petite taille pour votre pied, cela peut très rapidement devenir désagréable et douloureuse. Avoir des chaussures adaptées à sa taille de pied, vous permet donc de marcher en toute liberté et sans douleur. En généralisant cette action, on retrouve l'action de trouver quelque chose dont on a besoin et qui nous convient parfaitement. Lorsque vous dîtes d’une personne que vous avez trouvé chaussure à votre pied, vous vous sentez donc parfaitement bien avec elle et vous ne souffrez pas de douleur du fait de cette situation.
Une autre interprétation de l’expression peut être possible. Le pied et la chaussure symboliseraient l’homme et la femme. Une union parfaite entre deux personnes évoque donc le pied dans une chaussure.

lundi 12 novembre 2012

L'expression de la semaine : "Au pied levé"

Cette semaine, nous vous proposons de découvrir la signification de l’expression « Au pied levé ».
Cette expression, qui signifie ne pas avoir le temps de se préparer, à l'improviste, existe depuis le XVème siècle.
L’expression vient du fait que lorsque vous avez envie d’aller quelque part, vous levez d’abord un pied puis l’autre. Au cours de cette action, vous levez le pied. Et si au cours de celle-ci, quelqu’un vous surprend à l’improviste, sans avoir le temps de vous préparer à sa demande, il vous apercevra le pied levé.
A ses débuts, l’expression n’était employée que lorsque l’on s’adressait à quelqu’un au moment où il s’apprêtait à partir, c’est-à-dire lorsqu’il avait le pied levé ! Puis au fur et à mesure, l’expression s’est généralisée à toutes les personnes qui exécutent quelque chose à l’improviste ou sans disposer du temps nécessaire pour préparer ce qu’on lui demande.
Au milieu du XVème siècle, l’expression employée était « à pied levé » puis au milieu du XVIème siècle elle est devenue « au pied levé ».

jeudi 25 octobre 2012

L'expression de la semaine : " Ne connaître ni d'Eve ni d'Adam"

Cette semaine, nous vous proposons de découvrir la signification de l’expression «Ne connaître ni d'Ève, ni d'Adam».
Cette expression qui signifie n’avoir jamais entendu parler de quelque chose ou de quelqu’un, existe depuis la fin du XVIIème siècle, puisque en 1700 dans Le père Bouhous, jésuite convaincu de ses calomnies anciennes, on peut trouver l’extrait suivant : « une histoire et des bruits qui ont eu pour principal fondement la grossesse scandaleuse d'une fille qu'ils ne connaissaient ni d'Ève ni d'Adam ». Cette expression prend racine dans l’origine de l’humanité. En effet, Adam est le premier homme

mardi 16 octobre 2012

L'expression de la semaine : "Poser un lapin"

Cette expression qui date de la fin du XIXe siècle a d’abord signifié « ne pas rétribuer les faveurs d’une femme » et elle viendrait de la combinaison de deux termes argotiques, poser et lapin.
D’un côté, en 1883, Alfred Delvau, dans son Dictionnaire de la langue verte, donne à faire poser la signification « faire attendre » et de l’autre, en 1889, Lorédan Larchey dans son Nouveau supplément du dictionnaire d’argot, indique que lapin est employé là par allusion « au lapin posé sur les tourniquets des jeux de foire, qui paraît facile à gagner et qu’on ne gagne jamais ».
Autrement dit, le « poseur de lapin », terme qui a bien existé à cette époque, était celui qui faisait attendre son paiement (le lapin) ad vitam aeternam à la femme dont il avait profité. Dans ce cas, poser un lapin se disait bizarrement aussi brûler paillasse, et c’est suite à cette pratique que les dames de petite vertu ont pris l’habitude de faire payer d’avance leurs services.
Pour le sens actuel de l’expression, apparu également à la même période, il est probable qu’il y ait eu un glissement d’une attente non comblée (celle du paiement) vers une autre attente également non comblée (celle de la personne attendue), puisque dans les deux cas, il s’agit d’un engagement qui n’est pas tenu, ce que semblerait confirmer a posteriori l’édition de 1922 du Larousse universel, où il est indiqué : « Poser un lapin : [...] par extension, ne pas tenir un engagement, une promesse ».
Il est possible que ce sens ait été influencé par une des significations de lapin au début du XVIIe siècle. En effet, à cette période, lapin s’employait pour parler d’une histoire complètement inventée, source de moqueries, qui était parfois qualifiée par la forme suivante : « celle-là est de garenne », faisant allusion au lapin de garenne, plus gros que le lapin ordinaire, forme qui nous est confirmée par le Dictionnaire de l’Académie française de 1694 où on trouve à l’entrée garenne : « On dit proverbialement et bassement d’un conte ou d’un trait d’esprit dont on le raille celui-là est de garenne ».
Alors on peut imaginer que ce lapin-là ait glissé ou bondi de l’histoire ou la blague douteuse à la plaisanterie douteuse comme celle de donner un faux rendez-vous.

jeudi 4 octobre 2012

L'expression de la semaine : "Etre en odeur de sainteté"

Il a été dit, autrefois, que le corps d'un saint émettait après sa mort une odeur particulière, suave qui permettait de le distinguer aisément des autres personnes décédées.

C'est de là qu'au XVIIe siècle est apparue notre expression avec son premier sens indiqué, pour désigner une personne ayant eu de son vivant un comportement si admirable que sa canonisation était envisageable.
Mais avant cela, au XVIe siècle, il existait déjà "être en bonne / mauvaise odeur" pour désigner quelqu'un qui faisait bonne ou mauvaise impression, tant il vrai que les odeurs qui émanent d'une personne qu'on rencontre peuvent parfois inciter à la cataloguer très rapidement.
Furetière indique d'ailleurs "odeur se dit figurément aux choses morales et signifie bonne ou mauvaise réputation". Ce sens n'a pas disparu et il est resté aujourd'hui dans notre expression, la bonne odeur devenant l'odeur de sainteté et désignant, parce qu'il a fait bonne impression, quelqu'un qui est apprécié, bien vu.
Dans ce second sens, le moderne, la locution s'emploie plutôt à la forme négative "ne pas être en odeur de sainteté" pour désigner une personne mal vue par une autre.

lundi 24 septembre 2012

L'expression de la semaine : "A brûle-pourpoint"

Cette expression a une origine militaire. Lorsqu'on tirait un coup de feu sur quelqu'un de très près, à bout portant, on lui brûlait le pourpoint (vêtement masculin qui couvrait le torse, utilisé entre le XIIIe et le XVIIe siècle).

Cette métaphore utilise d'abord l'idée d'efficacité (pour tuer quelqu'un , plus on est près, plus on a de chances de réussir) puis de soudaineté, de surprise (pour pouvoir tirer à brûle-pourpoint sur quelqu'un, il faut le surprendre).

mardi 18 septembre 2012

L'expression de la semaine : "Avoir le béguin pour quelqu'un."

Originaire de Belgique, plus précisément de Liège, le mot « béguin » vient du premier couvent de béguines, au XIIe siècle, où les religieuses portaient cette coiffure faite d’une toile fine. Ainsi, croisée avec l’expression « être coiffé de quelqu’un », qui signifie « être aveuglé par quelqu’un », «avoir le béguin » est rapidement devenue une formule courante pour affirmer l’amour ressenti par une personne.

mardi 11 septembre 2012

L'expression de la semaine : "Donner sa langue au chat"

Autrefois, on disait "jeter sa langue au chien". Cette expression avait un sens dévalorisant car à l'époque, on ne "jetait" aux chiens que les restes de nourriture. "Jeter sa langue aux chiens" signifiait alors ne plus avoir envie de chercher la réponse à une question. Petit à petit, l'expression s'est transformée pour devenir "donner sa langue au chat" au XIXe siècle. En effet, à cette époque, le chat était considéré comme un gardien de secrets. Sa parole serait donc de valeur considérable, et il pourrait s'agir en "donnant sa langue au chat", de lui prêter la parole pour qu'il nous donne la réponse à une devinette.

Définition extraite de l'internaute.com.

jeudi 30 août 2012

Bruits - chapitre 1


1.
Il est arrivé à tout le monde de tomber. Que l’on soit jeune ou vieux, on tombe. Se laisser aller à rêver ? Et tout devient obstacle ; ne serait-ce qu’un coin de trottoir insignifiant vous étale sur la chaussée ; une boite de coca ? Et c’est le K.O. On tombe, à genoux, de tout son long, les quatre fers en l’air. Les statistiques sont éloquentes : à Paris, toutes les secondes, quelqu’un s’écroule pour des motifs connus ou inconnus. On s’éclate l’arcade sourcilière, on se pète une cheville, on part en vol plané ; le pantalon est déchiré, le blouson bon à jeter.
Tomber, quand on est vermoulu. En soixante-dix ans, combien un homme peut-il avoir de kilomètres au compteur, de randonnées du coeur, de marches forcées pour aller bosser ? Un nombre effrayant à faire sauter un podomètre, si tout y était enregistré. Toutes ces allées et venues dans les couloirs de l’existence, un jour ou l’autre, font trébucher.
Lorsqu’on fait les quatre cents coups, on l’a quand même cherché. On se ramasse, on s’essuie, on guette les témoins ; l’entorse n’était pas loin, on rigole, on s’en fout. Le corps, c’est un joujou. Il rime avec cailloux.
Tomber, pourtant rien ne vous flanque par terre : c’est la chute paradoxale, gratuite et pernicieuse, attirant la méfiance de la médecine du travail. Accident involontaire ou excentricité pour se faire remarquer ?
Tomber amoureux. La chute aussi fait mal. L’ordinaire se casse en morceaux. Avant, le temps était pimpant, chic et achevé ; les heures se laissaient ficeler dans des activités bien ordonnées. Il y avait celles pour travailler, pour faire du thé, pour la télé, l’aspirateur, la bonne cuisine au beurre, l’arrosage des pots de fleurs... On distinguait l’urgent non important de l’important non urgent. En un mot, l’efficacité. Les gens jalousaient vos capacités, facultés, facilités. En une journée, vous abattiez de prodigieuses corvées. Le soir, en vous couchant, souvenez-vous, vous étiez fatiguée. Surtout, le désir de dormir fichait la paix à vos voisins de palier. Votre système nerveux parasympathique prenait le dessus après minuit, vos nuits étaient végétatives et vous m’étiez plus sympathique. Exténuée, vous pouviez même ronfler tandis que les ondes thêta berçaient votre hypophyse comme un bébé.
C’était le bon temps. La belle époque de l’élimination toxémique de votre organisme tandis que vous dormiez. Vos nuits étaient de sable. Votre silence était aimable.
L’aspirateur, maintenant, c’est en pleine nuit parce que vous vous êtes mise à vibrer pour un homme soi-disant votre parfaite moitié ou tiens, le téléphone n’aura pas sonné, le dernier tête-à-tête se sera mal passé. Résultat, c’est l’insomnie. Le bruit est votre vengeance ; les acariens, votre délivrance. Vous chahutez la surface corrigée, vous voudriez raser votre moquette comme crâne de bénédictin que vous ne prendriez pas d’autres soins. Sur les tapis vous insistez. Tentures, rideaux, jetés se dépoussièrent en douceur : vous changez les tubes pour des suceurs. Par chance, aucun de ces instruments de malheur n’est encore muni d’accélérateur, sans quoi, cette frénésie serait du ménage à réaction. Il est trois heures du matin. Je plains vos voisins. En fait, je me plains. Je suis votre voisin. Entre vous et moi, un mur : le mur du son, nulle autre meilleure expression.
Encore hier, vous marchiez sur la pointe des pieds, vous coupiez le son des spots de publicité, un demi-poumon vous aurait suffi pour respirer. Comme j’aimais votre petit air sage, vos manières bien élevées... Quand on se croisait sur le palier, on se disait bonjour dans un cliquetis de trousseaux de clés. Puis vous vous esquiviez.
L’été, par les fenêtres grandes ouvertes, nous partagions les mêmes courants d’air ; limpides, ils exportaient vos jolis bruits chez moi, ils pollénisaient le silence et fécondaient l’absence. La goutte d’eau du lavabo, les soupirs des coussins, la vapeur du fer à repasser... j’en reconnaissais la provenance, j’en enviais la douceur.  Qu’ils échappent à votre volonté ou qu’ils prolongent vos pensées en murmures matérialisés, vos bruits m’étaient compatibles ; en receveur universel, je supportais la transfusion.
Comprenez, cette privauté que vous m’imposez aujourd’hui est doublement déplacée par l’anachronisme fâcheux qu’en même temps vous commettez : nous ne sommes pas en été, nous sommes le 2 novembre ; dehors, il gèle à pierre fendre et vos fenêtres sont fermées. Mesure de protection dont je ne peux vous tenir rigueur, un froid polaire ne s’échange pas avec la même gaieté qu’un petit vingt-cinq degrés.
Alors, que s’est-il passé, grands dieux ? Pourquoi, subitement, avoir tout bouleversé ? Vous pensiez peut-être que je serais assez loin pour ne rien remarquer ? Mais, enfin, comment interpréter votre fièvre ménagère autrement que par un sérieux dérèglement métabolique vous mettant vous-même en danger ?
Encore hier, je vivais en paix, sans cette conscience intolérable que derrière la cloison du salon, un être changeait. Pourtant, quelque chose clochait. C’était votre jour de congé. D’abord, vous vous êtes levée plus tôt que d’habitude, il devait être sept heures. Premier indice d’un trouble que je ne pouvais pas encore qualifier. Puis, j’ai entendu le même disque toute la journée. Un : j’en ai déduit que votre chaîne offrait les commodités de la position repeat - ce qui ne me renseignait pas prodigieusement sur les mobiles de votre comportement - ; deux : que cette irrésistible compulsion m’amènerait à plus de souffrances que de déductions ; retenons que la chanson vous plongeait ou dans le délire ou dans l’extase. A dire vrai, les deux effets se manifestaient par alternance, tantôt vous dansiez dans l’égarement le plus complet, tantôt vous restiez prostrée à genoux devant votre chaîne hi-fi comme si la voix était celle de la Vierge Marie, reconvertie aux variétés, blasée des apparitions en privé. Habiter le tambour d’une machine à laver m’eut semblé plus supportable. En fin de journée, l’encéphale en bouillie et les nerfs en charpie, ma fureur moussait, débordant des joints de mon cerveau.

Cela dit, quels reproches pourrait-on vous faire ? Tomber amoureux n’est pas interdit. Cette certitude m’a été confirmée à la lecture de notre règlement de copropriété, il n’existe aucune clause résolutoire ou pénale en cas de sinistre amoureux. L’amour résiste à toute ordonnance. En foi de quoi, aucune indemnité destinée à dédommager du préjudice provoqué par l’occupation abusive du silence et faisant obstacle à l’exercice des droits des habitants, n’est envisageable. La promiscuité est  fatalité.

Pour seule riposte à cette intimité de la mitoyenneté - jadis, pacifique mais à présent exaspérante - souffrez que je m’abandonne à la confusion que vous m’inspirez.

mardi 31 juillet 2012

La notice, extrait du Jeune homme bleu


Non, je n’ai aucun souvenir. J’ai beau cherché dans le passé ce qui a pu se produire. Ma mémoire est obturée. J’avais sûrement des amis, dans quelque galerie qui pourraient témoigner et me décrire toute entière, mais j’ai perdu la trace de mes anciens maîtres, j’ignore dans quel quartier je suis né, qui m’a adoptée par la suite et ce que je représentais alors. Je sais que souvent pareil accident arrive aux tableaux. Cette forme de dégénérescence  touche un tableau sur cent, quand la vieillesse guette, la pauvreté faisant le reste. Le mal est venu sans doute progressivement. On ne perd pas la moitié de soi-même en une nuit. Non. On se perd petit à petit, un renoncement puis un autre, une résignation puis une autre.
A la clinique des tableaux, on m’a installée sur un chevalet propre, sous une lampe blanche. Le médecin a fait une radio aux rayons X pour voir de quelle affection je souffre. Il ne peut encore établir son compte rendu. Il faut poursuivre les investigations. Il a juste émis l’hypothèse qu’un autre personnage complétait la scène. Un enfant, peut-être a-t-il dit. Un enfant ? J’aurais bien aimé avoir un enfant. Il aurait réalisé mes rêves, mis mes paroles au futur, terminé mes actions. Quelqu’un me l’aurait enlevé alors ? Et il n’aurait rien dit car mon visage ne réclame pas d’enfant, trop long et pas de joues pour recevoir des bisous ; une bouche sans sourire, fermée sur des choses sérieuses desquelles les enfants s’en fichent ;  mon menton est sévère et mes yeux sont trop clairs pour dire le velours d’aimer. Je n’ai pas le profil d’une mère, l’enfant est une idée en l’air.
Le médecin a par la suite évoqué un animal de compagnie que j’aurais posé sur les genoux. Un caniche ou un chat, une touche de douceur, tirant sur le jaune orangé, assouplissant l’angle coupant du fond. Pourquoi pas ? Et on aurait récupéré les deux pour un calendrier des PTT ! Me suis-je exclamée, agacée par des supputations sans fondement scientifique. Je suis allergique aux poils, j’éternue et les yeux me brûlent dès lors j’ai un contact forcé avec ces animaux de malheur… ai-je dû spécifier.
Le docteur est reparti à sa machine à rayons X. Je n’ignorais pas qu’un rayonnement prolongé pouvait entraîner la perte de mes cheveux. Je demandai un chapeau. On me l’accorda bien vite, je n’étais pas d’humeur. La séance terminée, le médecin est revenu, cette fois accompagné d’une belle infirmière, aux mains douces et potelées qui a caressé mon mystère, blanc gris comme l’amnésie. Elle avança la thèse d’un décor, l’œil prolongé d’une loupe, un doigt d’aveugle sur ma toile. Peut-être y avait-il là, la trace d’un fauteuil, ou bien d’un bouquet de fleurs. Je la laissai parler. Ses caresses n’étaient pas désagréables, et partant, le souvenir prêt à remonter, qui sait ? J’ai attendu l’amorce d’une image, un reliquat de parfum. J’avais un faible pour le mimosa, peut-être cette odeur un peu âcre et sucrée venait-elle de ce bouquet fantasmé ? Hélas non. Je vis le médecin s’approcher et sans aucune forme de procès, badigeonner mon vide d’un produit agressif aux vertus d’anamnèse. Il frottait par petite touches circulaires avec application en retenant son souffle mais rien n’y fit : je demeurai privée de la moitié de mon intégralité. J’étais prête à pleurer tant ne rien sortir de cette zone d’oubli me mettait au supplice. Le médecin s’énervait, l’infirmière se désolait et moi je les regardais de cet air suppliant que mon invalidité traduisait en supplique. Trop de temps passé dans une remise de musée, trop d’obscurité injustifiée, trop d’inconscience de moi-même m’avaient fait perdre le chemin de moi-même, jusqu’au goût de moi-même ; incapable de me reconstituer, je butais tout comme eux sur ce vide désastreux. Il me manquait un morceau, un morceau capital qui attirait l’œil autant qu’un défaut au milieu de la qualité. Pourtant, le reste était de bonne tenue. La maîtrise du peintre était incontestable, j’avais tout d’un Soutine, sauf la signature qui par un fait exprès devait se trouver à gauche, lieu de mon non-lieu.

Le médecin proposa encore la thèse d’un homme accroupi à mes pieds. Un amoureux transi, dont j’aurais détourné le regard, blasée des soupirants ? Je me connaissais assez pour savoir que je n’étais pas une beauté. Quiconque m’aurait offert le mariage, je l’aurais épousé. Alors quoi ?
J’imaginai à mon tour porter une pièce montée. Présenter un plat de crustacés. Montrer ma couronne de fleurs d’orangers ; etc.
Quand subitement, l’infirmière eut cette effroyable idée de me retourner. Au dos, une notice y était collée : 1935. Tableau inachevé.

mercredi 4 avril 2012

le journal de tempo n°26, chronique d'un chien presqu'humain


Ce soir c’est le réveillon de Noël. A la maison, on n’a ni sorti la crèche, ni monté de sapin, ni accroché de houx, ni frisé de bolduc autour des cadeaux. Ce soir est un réveillon sans réveillon, un réveillon où veiller ne serait que regretter, navigué dans un passé loin derrière, un passé resté à l’état de l’été ; je vais et viens dans le jardin sans savoir comment un Noël sans joie et sans rires survit au lendemain. Mam’hum me manque comme la voyelle au mot, comme le mot à la phrase, comme la phrase à la déclaration d’amour ; je voudrais pour savoir comment j’ai réussi à vivre sans, être à la fin de mes jours.
A la sempiternelle question de savoir ce qu’organisent les gens pour les fêtes, Pap’hum a dit qu’il ne faisait rien. Et dans ce rien, sont avalés comme par un syphon, les atours des fêtes de l’année dernière. Souvenez-vous, nous étions montés tous les trois sur le continent - quelle aventure ! - et nous avions traversé une France enneigée, aux sapins chargés de givre et de pommes de multiples les couleurs, croisé plus de Pères Noël que les légendes en contiennent et enfin arrivés à bon port, pris possession de cette veillée, petite armée familiale, dos aux batailles, tous ensemble prêts à l’avenir radieux d’être réunis pour quelques jours de magie partagée. Je regardais Mam’hum, dans sa robe folklorique venue d’un pays incertain suffisant à évoquer les steppes, la route de la soie qui s’emprunte chargés d’étoffes brodées, j’admirais ces jolies simagrées, faites pour agiter les grelots et tournoyer les rubans, donnant vrai volume à la beauté de sa personne. Elle distribuait le pudding de Noël confectionné pendant l’avent en parts presque égales, attentive à satisfaire autant les plus gourmands que les plus délicats ; et cette image, elle penchée vers les assiettes, déposant chaque tranche d’un geste précis représente à elle seule Mam’hum, archétype de la mère nourricière. A cet instant, intuition prémonitoire que nous avons tous dans ces moments de bonheur absolu qui se confond avec un profond sentiment d’existence, je savais que rien par la suite ne pourrait supplanter ma béatitude. En effet. A l’heure où je vous parle, alors que je me remémore la recette du pudding avec amertume – il cuit pendant huit heures - je considère le frigidaire vide. Pap’hum a pris une demi-journée de congé pour s’allonger sur le canapé et gribouiller de longues suites de chiffres dans des carrés de sudoku. Est-ce une façon de se préparer à la venue du petit Jésus ? Partout et de tout temps, les hommes célèbrent l’équinoxe car enfin les jours vont commencer à rallonger, la lumière l’emporter sur la nuit et le soleil gagner minute après minute mon cœur tout flapi. Mais non, Pap’hum, indifférent aux grandes cérémonies qui mettent  l’homme à la taille de l’univers, calculent la somme de ses rangées de chiffres : 6+3 = 9 ; 1 + 8 = 9 ; 5 + 4 = 9 ; partout il note des 9, 9, 9 ; le sudoku est fini… Mais j’y pense, oui, bien sûr, le 9 est le chiffre du renouveau ; enfin 9, quoi, c’est neuf ! Comment n’y avais-je pas songé plus tôt ? Cher petit Pap’hum, c’est donc par l’arithmétique qu’il en appelle à la grandeur du solstice, au mystère de Dieu fait homme !
Oh, attendez ! Le téléphone sonne !  Pap’hum lâche le sudoku, cherche ses chaussons en vitesse mais non, ne perdons pas de temps, il court pieds nus vers le téléphone, il court car il sent bien l’urgence, la raison d’être présent : c’est Mam’hum ! Son numéro s’est affiché sur le combiné, Pap’hum prend la communication, prend la voix de Mam’hum contre sa joue, c’est comme un courant d’air chaud, la poudre dorée du sirocco. J’aboie de tout mon être, mam’hum, écoute-moi ! J’aboie autant que je peux, bien davantage que lorsqu’un inconnu toque à la porte car là, l’inconnu est insupportable, je veux savoir ce qui se dit, ce qui advient, je veux lui parler moi aussi, lui dire que pour Noël je lui offrirai bien volontiers mon assiette de croquettes, que peu m’importe de dormir le ventre vide et la dent creuse si elle vient nous embrasser ce soir car d’un coup je pense à la magie de Noël, à tout ce qui peut encore se produire, aux miracles du petit Jésus et aux prières que dans le secret de ma foi de chien je récite au coucher quand Pap’hum après m’avoir brossé, ferme la porte derrière lui et que je me retrouve alors dans le noir avec pour seul rai de lumière l’espoir de la voir le lendemain. Mais je n’attendrai pas ce soir, je n’attendrai pas l’espoir, non, je n’ai que mépris pour l’attente, cette fille trop charmeuse pour être honnête, car j’ai subitement la révélation que ce Noël si mal commencé va refaire son début, Pap’hum vient de se précipiter sur le sudoku et l’envoie voler en l’air, de même pour ses chaussons : il les récupère de dessous le canapé et dans un cri de joie se met à jongler avec ; du coup, je me pique au jeu et saute autour de lui et dans le même élan dont la cause est entendue nous batifolons à saute-chaussons. Mam’hum vient passer Noël avec nous : hip hip hourra ! Mam’hum va dormir ici : hip hip hourra ! Mam’hum apporte son violon : hip hip hourra ! Mam’hum a mis sa robe du Caucase, la voilà, je l’entends monter les escaliers, ouvrir le petit portillon, toquer et dire c’est moi pour ne pas m‘effrayer et être confondue avec de l’inconnu. Mais moi je sais, même quand elle ne dit rien pour s’annoncer, je reconnais sa façon bien à elle de frapper à une porte d‘entrée, trois petits coups brefs et réguliers, un petit tempo allegro qui sied aux menuets de Mozart. Pap’hum ouvre la porte, je me faufile entre eux deux et je vais pour l’accueillir à raison de cabrioles, de pas de côté, mais au dernier moment alors que dans mes muscles se rassemble l’énergie du bond, quelque chose me stoppe, ce quelque chose n’est ni sa mise de princesse ni les protestations de Pap’hum, c’est tout simplement le sentiment de la gravité qui passe de ses yeux aux miens et l’expérience du manque qui diminue d’intensité, diminue, diminue encore et  finit pas cesser  tout à fait. De ce manque monte la phrase tant entendue, tant interrogée et tant fatiguée mais ici, entre elle et moi, rien de l’usure du monde ne peut nous blesser : Je t’aime Mam’hum ; je le dis avec la solennité de celui qui l’a inventée. 


FIN


mercredi 28 mars 2012

le journal de Tempo n°25, chronique d'un chien presqu'humain


Nouvelle session du Grenelle de …

-       A présent, comment nommer notre Grenelle ? demande Pap’hum. 
La nouvelle session vient de commencer. Cousin Don Cristobald prend place sur le canapé, je prends place à leurs pieds, hiérarchie oblige.
Ces discussions me fatiguent. Contraindre la réflexion alors qu’il faudrait agir urgemment me semble du dernier paradoxe. Je grogne. Je rêve d’ouvrir la porte, de franchir le grillage et de courir ventre à terre jusqu’à l’appartement de Mam’hum pour lui sauter au cou, lécher à qui mieu-mieu sa petite menotte, japper de contentement, aboyer d’excitation, et renverser au passage quelque bibelot.
Je me sens l’âme d’un émissaire. A trop parler, les humains s’emberlificotent. Et au final, le cœur s’enfonce dans le bourbier des atermoiements, balloté entre pour et contre. Je hais l’examen des situations, l’analyse des avantages et des inconvénients. Je suis un chien d’action, moi ! Je rêve de sonner chez elle, toutes tergiversations cessantes, deux pattes avant sur la porte, la truffe collée à son nom, pile poil dans le faisceau du judas. Elle m’ouvrirait en chemise de nuit car je la surprendrais au saut du lit, au moment précis où même la plus solide des déterminations fléchit, griefs et déceptions à l’esprit endormis. Reviens, Mam’hum ! lui dirais-je, reviens, répéterais-je d’autorité, parole qu’on ne lui a jamais dite ! ; mon intervention ne saurait souffrir d’aucune objection et nul papotage,et je me précipiterais sur son lit comme en terrain conquis. Descends de là ! s’écrierait-elle. Je pencherais mes oreilles en arrière, simulant soudaine surdité et irais enfouir mon nez dans ses oreillers, grisé du parfum de ses cheveux, enivré de la sudation de la nuit. Tout ceci, hélas, au conditionnel. Tout ceci soumis à la contribution des astres, du hasard et des circonstances. Grande en effet est l’incertitude qui règne sur mon scénario. Retrouverais-je le chemin de son appartement ? Comment ne pas envisager qu’elle soit sortie ? Et dans son lit, trouverais-je autre chose que ses oreillers ? Un truc en forme de chien qui me remplacerait ? Qui nous dirait à Pap’hum et moi qu’elle en a fini avec nous, qu’elle nous oubliés, abandonnés, jetés comme une vieille paire de croquettes ? Dans mon empressement à aller l’assurer de notre fidélité, me serais-je trop vite emballé ? Subitement, j’ai envie de tout envoyer promener, de retourner tout petit chiot dans son panier à bûches, de faire pipi sur le carrelage et de me rouler dedans pour que l’on cesse tous ces enfantillages, que l’on se souvienne des jours où le soleil entrait par les grandes baies vitrées de nos cœurs associés, de nos vies mélangées. La sienne était mienne, la mienne était leur. Qu’est-ce que nous allons devenir ? Comment notre histoire va-t-elle s’écrire ? Quelle page doit-on tourner ? Notre séparation fait-elle partie de notre histoire ? Je ne sais quel statut lui donner. Je ne sais quel avenir construire. C’est toutes nos fondations qui sont ébranlées et le bateau prend l’eau de toutes parts. Et le Commandant, va-t-il lui aussi quitter le navire ? Bien sûr, je le vois bien, chacun de son côté essaie de faire bonne figure et donner aux circonstances un semblant de sens. Mais au fond, au fond de la cale, y’a un trésor qui tant bien que mal surnage : l’idée de notre famille. Et cette idée, c’est moi qui la donne en plein. Car à trois, on forme une famille, on met du tiers dans le toi et moi. Que n’ai-je trop conscience de n’être qu’un substitut du petit d’homme qu’ils n’ont jamais eu, faute à pas de chance. Je porte leurs regrets, l’insuffisance de la nature. Et ce fardeau donne à mon existence une responsabilité. Alors voilà ce que j’envisage.
Tout d’abord, chacun semble avoir perdu de vue les immenses qualités dont l’autre est pourvu. Je me propose donc de leur rafraîchir la mémoire. Commençons par Pam’hum. Il sait comme personne imiter l’albatros à l’atterrissage et ce dans la plus grande dignité, premier point. Deuxième point, il ferait le tour du monde sans GPS ni carte IGN car comme les mouettes, il a une boussole dans la tête ;  du coup, il ne perd jamais le Nord à la différence de Mam’hum qui est championne de la désorientation – la sienne et celle des autres, soit dit en passant. Il reconnaît le faucon crécerelle, le merle d’eau, la grue cendrée en une fraction de seconde, c’est le jiz, dit-on chez les ornithologues pour désigner cette qualité, troisième point. Il est mauvais joueur au go mais joue avec 4 handicaps pour laisser gagner Mam’hum, quatrième point. Il se lève toujours de bonne humeur, non, c’est faux, plus depuis que Mam’hum est partie. Il collectionne les calembours, invente des mots nouveaux, il plaisante, il fait l’andouille, le pitre et le mariole, non plus, c’était vrai avant mais plus maintenant… En fait, Pap’hum perd peu à peu ses qualités. Le départ de Mam’hum aurait-il à voir là-dedans ? Pap’hum a changé. Je ne le reconnais plus. La vie n’a pas de sens sans Mam’hum me répète-t-il tous les soirs en me brossant le dos et nous courbons l’échine tous les deux sous le poids de notre misère.


Mais  il y a des serments qui dépassent les volontés. Je me raccroche à cette idée. Je cherche des signes partout qui nous diraient où se dirige notre destinée. Nous sommes tous les trois à un carrefour géant sans signalisation pourtant.
Mais me voilà qui de nouveau perd le fil de mon propos. J’en étais à leurs qualités. Celles de Mam’hum à présent. Même en tablier de cuisine, en jogging défraîchi, en bottes de pluie, Mam’hum garde la grâce d’une reine d’Egypte. Petit un…

mardi 20 mars 2012

le journal de Tempo n°24, chronique d'un chien presqu'humain


En direct de notre correspondant sur le terrain. Paris, heure locale.


Chez les ultrasonistes,. rien de spectaculaire à signaler. Et pourtant... Petites marches matinale et méridienne pour aller méritants à l'école,  bravant flaques d'eau, crottes de chien, température de mars et brume relevée de pots d'échappement. Car c'est cela, la réalité de cette marche, de cette grève, de ces revendications salariales, de ce bras de fer syndical ; klaxons blasés ou nerveusement téméraires, passants sur ressorts, patins à roulettes ou trottinette,  te bousculant sans remords, bicyclettes déchaînées, libérées par des années d'oppression (vel'ib cela a des relents de maquisardise) qui roulent où bon leur semble : trottoir, route, caniveau, tout leur semble cyclable, et ce, dans le daltonisme le plus établi. Alors, je peux dire qu'en effet, c'est aventure et honneur réunis que d'aller à l'école en ces temps de barbarie.
 Préalablement à cette marche, ils ont bien entendu, comme à l'habitude, consulté leur  oracle "transports idf.com" qui leur annonce hélas un métro toutes les 20 mns sur la ligne 7, leur ligne hélas, abandonnnée à la stupeur hélas depuis déjà une semaine hélas.
Leur  triomphe est cependant de courte durée ; la station est fermée protégée à l'entrée par deux policiers. Plus tard, dans la journée, une annonce-radio porte à la connaissance de leurs oreilles esbaudies, un métro toutes les 50 mns sur la ligne 7 ; ils vérifient derechef. Toujours fermée ! L'appétit d'insatisfaction d'un individu étant constante, principe garantissant sérénité sur tous les autres plans,  ils maugréent un hélas identique aux précédents.

Autre fait marquant dans le cadre de ce RETEX (retour d'expériences )  : la petite porte d'un placard est restée entre les mains de Léo. Cela mérite-t-il développement ? Il s'interroge un instant puis lâche le morceau.


Merci pour cette chronique. Ajaccio. Heure locale.  


[1] Avec son aimable autorisation