La langue qui nous habite...

La langue qui nous habite...
La langue qui nous habite...calligraphie encres de chine et gouache de Odile Pierron

lundi 24 octobre 2011

le journal de Tempo N°6bis, chronique d'un chien presque humain

T : Tempo le chien
C : Cueillette la chatte

T : Dis, Cueillette, pourquoi tu persistes à me faire la gueule ?
C : ...
T : tu ne veux pas me répondre ?
C : miaaaaaaaaaaou ! miaaaaaaaaaou !
T : écoute, je vois bien que tu es malheureuse. Remarque, je ne suis pas si bête, je sais pourquoi
C : ah ! Tu sais pourquoi, toi ?
T : ben oui, j'ai envahi ton territoire et tu ne le supportes pas. Tu sais, j'en ai bavé au début, quand tu me chassais chaque fois que j'essayais d'entrer dans la maison. Tu grondais et crachais et te dressais sur tes pattes, le dos rond, la queue gonflée de colère. Tu étais jalouse et tu l'es encore, voilà tout !
C : moi, jalouse ? Tout ce que je sais, c'est que depuis que tu es là, Mamum me néglige.
T : quoi, elle te néglige ?
C : mais oui : avant elle venait vers moi, me prenait sur ses genoux et me caressait inlassablement quand elle s'asseyait là sur le canapé.
T : mais elle le fait toujours. La preuve, elle ne me regarde même pas quand je tire le bas de sa robe pour qu'elle s'occupe de moi. Elle me repousse et elle râle : oh lâche-ça, Tempo, tu vas tout déchirer ! Et elle continue de te caresser, toi, les yeux clos, toute ronronnante de béatitude. Alors là, tu aurais tort d'être jalouse.
C : d'abord, je ne suis pas jalouse, je constate seulement que depuis ton arrivée, il n'y en a que pour toi : et Tempo par ci, et Tempo par là. Et toi, tu arrives en gambadant, en faisant des mamours. Par exemple, quand debout  tu poses les pattes sur ma maitresse et que tu tends ton museau pour te faire embrasser. Et elle qui minaude : comme il mignon mon Tempo ! Miaaaaaou, Miaaaaaaaaaou.
T : vraiment tu exagères. Tu veux que je te dise : tu as plus de chance que moi. Tiens, à toi, on ne dit jamais : assis Tempo ! viens ici Tempo ! attends Tempo ! Non, tu as le droit de faire ce que tu veux. En réalité, tu es un être libre. Moi, pas.  Ouaaaaaaaaaaaah, ouaaaaaaaaaaaah !
C: oh, arrête, tu vas me faire pleurer ! Mais tu ne vois pas que tu es gâté, oui, supergâté. Tout le monde fond devant tes facéties et te flatte à qui mieux mieux. Et quand nos maîtres sortent, ils t'emmènent avec eux,  tandis que moi je reste toute seule à la maison et je m'ennuie. Je t'envie, si tu veux savoir !
T : franchement tu n'as pas à m'envier : toi tu bulles et moi je galère. Tiens, l'autre jour, quand on est allés chez tonton Gilbert, il a fallu que je flaire les traces d'un sanglier et que je ballade ma truffe au ras du sol alors que j'avais envie de m'amuser avec les papillons. Et toi, pendant ce temps-là, qu'est ce que tu faisais ? Tu pouvais roupiller à ton aise ou penser dans ta tête, philosopher peut-être ?
C : philosopher ? Tu me fais rire. Qu'est-ce que ça veut dire pour toi ?
T : ben, réfléchir sur la vie.
C : justement, si on réfléchissait sur nous deux.
T : quoi, nous deux ?
C : tu vois, on se jalouse l'un l'autre, mais tu ne voudrais pas être à ma place, pas vrai ?
T : ben non. Et toi, est-ce que tu voudrais être à la mienne ?
C : ça non, je suis un chatte quand même !
T : et moi, un chien, quand même !
C :  remarque, je comprends que tout le monde t'apprécie : tu es si gai, si spontané
T : et toi, si gracieuse, si délicate, tellement libre
C : tout bien réfléchi, je crois que je t'aime bien
T : euh, finalement, moi aussi, j'avoue.
C : miaou, miaou !
T : ouah, ouah !
Françoise Gailliard

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