La langue qui nous habite...

La langue qui nous habite...
La langue qui nous habite...calligraphie encres de chine et gouache de Odile Pierron

mardi 30 avril 2013

Atelier d'écriture du 26 avril 2013

Deux pastiches d'Albert Cohen, Belle du Seigneur



La Belle leva lentement les yeux, appréhendant ce qui allait apparaître.
Le miroir lui renvoya son regard inquiet et son sourire maladroit, sa fragilité mise à nu.
Dans l'instant, redevenue sérieuse, elle prit conscience qu'elle ne pouvait pas se montrer ainsi devant son Seigneur. Il méritait qu'elle se présente à lui telle la princesse qu'elle rêvait d'être, la peau blanche, la face délicatement apprêtée, les joues couleur de rose, couronnée de ses longs cheveux blonds bouclés.
Une nouvelle séance de maquillage s'imposait.
Juan Carlos


Elle entra dans la salle de bain. Les cheveux en bataille, le teint gâché, des cernes sous les yeux et cette ridule là, qui n'était pas là hier... Pourquoi le miroir était-il si noir aujourd'hui ? Le découragement associé à la lucidité la faucha dans le même élan. Elle s'assit sur la petite chaise sur le dossier de laquelle ses bas de soie pendaient, moirés. Tour à tour, elle regardait la savonnette, le dentifrice, la brosse à cheveux, la lime à ongles dans leur nudité d'instruments de beauté, parfois complices, parfois entêtés. Lequel aurait pitié d'elle et se révélerait à la hauteur de l'objectif ? On ne pouvait prendre la perfection à la légère ni incarner l'absolu à n'importe quel prix. Se rapprochant du miroir, elle scruta la virgule de cette nouvelle ride, l'âge marquait des points, en dépit des manipulations esthétiques, la reine était encerclée, menacée, et la vieillesse avait déjà commencé son travail de sape. Puis elle sentit divers parfums. Lequel portait-elle le premier soir ? Opium, bien sûr, sa signature. Elle posa le flacon sur la coiffeuse et entreprit le coiffage de ses cheveux en vigoureuse tignasse, épouvantée à l'idée qu'elle n'avait que deux heures pour redresser le désordre de son visage, sublimer les petits défauts de peau, les ombres mal à propos, péchés véniels bien sûr mais si contrariants. Ses gestes étaient lents et le moment dans sa grande solennité était la seule issue à cette impression d'inaccompli. Aucun bijou, aucune mise en scène artificielle n'étaient envisageables, elle voulait se montrer à son Seigneur dans une tenue authentique, exempte de toute tricherie. Elle tressa ensuite ses cheveux et les ramena en chignon bas sur la nuque. Une mèche orpheline soulignait la courbe de son visage d'un noir d'ébène et ajoutait un noble contraste à sa carnation laiteuse. 
Odile



Le 31 août de l'année écoulée, je ne me souviens de rien. Rien de mémorable n'a dû se passer ce jour-là.
J'ai dû faire ce qu'on fait tous un jour qui est semblable à un autre :
1) se lever
2) se laver
3) petit-déjeuner
4) aller bosser
5) pause-déjeuner
6) re-travailler
7) rentrer

Si ce n'est pas mémorable, ça signifie quand même que :

1) j'étais en bonne santé
2) je n'avais pas reçu de mauvaises nouvelles
3) le monde allait bien
4) il avait fait une météo potable
5) rien ne m'avait contrariée
6) j'avais fait des choses simples
7) je ne m'étais pas posé de questions existentielles

Et ça, c'est essentiel...et si c'était cela VIVRE au sens noble du terme ??
Isabelle


le 31 aout de l'année dernière....
6h je dors
6h50 le moteur du ferry me réveille. Je vis à Ajaccio, au niveau de la corniche de l'hôpital, tous les bruits du port montent...
7h03 les marins jettent les amarres sur le quai. Toujours au fond de mon lit.
7h30 les goélands mettent le foutoir sur la rambarde de la terrasse, juste derrière mon volet.
7h53 MAMAN!!!!!
8h16 MAMAN !!!... c'est QUAND la rentrée déjà ???
8h38 ... je me retrouve seule à débarrasser la table du petit déjeuner.... joie et bonheur...
9h11 ... mais les garçons ont tout préparé pour aller à la plage !!!
9h28 On arrive au Scudo, mais Micka fait la gueule parce qu'il voulait rejoindre ses potes à Acquagliss, et je n'avais pas 60 euros à claquer la-dedans.
9h51 ... tiens ... il est pas mal ce mec allongé à droite, là bas ....
10h26 le bonheur : je nage au milieu des poissons.
11h27 on devrait repartir mais je m'apprête à pratiquer une opération chirurgicale d'urgence : micka a marché sur un oursin et je retire une à une les épines de ses délicats petits orteils, alors que deux paires de main doivent maintenir au sol ce petit forcené.
11h29 ... ces cris de singe hurleur, ça me déprime...
12h34 je rêve d'être dans mon bureau, sous la clime !!
12h56 Micka me dit d'un air triomphant, devant son dessert : si on avait parti à Acquagliss, j'aurais pas eu des piques d'oursin dans les pieds !!
13h55 Ne pas oublier d'appeller ma mère. Ca tombe bien il  pleut des cordes à Paris. On aura de quoi parler.
15h01 qu'il est long, mais qu'il est long cet après midi...
15h40 je tente de résister à ma 300ème glace vanille-noix de pécan de l'été.
Claire

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